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Environnement : le télétravail est-il vraiment bon pour la planète ?

On pense généralement que le télétravail est bon pour la planète car il permet d’éviter des trajets domicile-travail et donc des émissions de gaz à effet de serre. Mais est-il globalement bénéfique à l’environnement ? Une étude de l’Ademe s’est penchée sur la question et a révélé certains effets rebonds négatifs qui viennent nuancer cette affirmation.

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Temps de lecture moyen : 6'13
Copyright : Nathana Rebouças

Une organisation du travail en plein essor

Épidémie de coronavirus oblige, l’année 2020 a été marquée par l’essor du télétravail en France.

 
Utilisé pendant le premier confinement, ce mode d’organisation du travail a même été imposé par le gouvernement, à chaque fois que cela était possible, lors de la deuxième vague épidémique. Le télétravail est alors redevenu la norme dans de nombreuses entreprises.

 
Travailler chez soi permet non seulement d’éviter les contaminations à chaque fois que l’épidémie de Covid-19 reprend de la vigueur, mais aussi de supprimer des émissions de gaz à effet de serre en évitant les trajets quotidiens entre le domicile et le bureau.

 

On peut donc s’attendre à ce que nos émissions de gaz à effet de serre diminuent sensiblement cette année… L’impact positif du télétravail devrait notamment être perceptible dans le bilan annuel des émissions de CO2 françaises qu’établit en fin d’année le Global Carbon Project (lien en bas de page). Mais est-ce que ce sera vraiment le cas ?

 
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) s’est penchée sur cette question dans une étude. Là où l’on pourrait s’attendre à un "oui" franc et massif, l’Ademe apporte une réponse plus nuancée.

 

 

Des effets rebonds difficiles à évaluer

Pour évaluer le bénéfice environnemental du télétravail, il ne suffit pas de soustraire de notre bilan carbone annuel l’impact d’un trajet quotidien aller-retour entre le domicile et le bureau.

 
Cet impact, bien réel, correspond à ce qu’on appelle l’effet direct modal du télétravail. L’Ademe l’évalue, en moyenne, à 271 kg eqCO2 économisés sur une année par jour de télétravail.

 
Mais le calcul ne doit pas s’arrêter là. Cette évaluation est bien plus complexe qu’on pourrait le croire, car cette organisation du travail bouscule nos habitudes et s’accompagne d’effets rebonds.

 
Ainsi, une journée de télétravail ne signifie pas forcément que l’employé ne va pas se déplacer du tout. En effet, il n’est pas rare que les salariés doivent faire un détour par l’école pour y déposer ou venir y chercher leurs enfants.

 
Lors des journées de télétravail, les trajets habituels (pour aller à l’école ou aux courses) sont maintenus. Mais l’on observe des ajustements :

  • on passe d’une mobilité à la chaîne (sur le chemin du travail) à une mobilité en étoile, autour du domicile du télétravailleur
  • cette nouvelle organisation de la journée favorise aussi d’autres formes de déplacements, plus courts, avec des achats en semaine dans les commerces de proximité.

 
Selon une première enquête de terrain, menée par l’Ademe auprès de 3.990 personnes et publiée en juillet 2020, les télétravailleurs en zone urbaine ont tendance à profiter de cette organisation du travail pour ne pas prendre de transport ou de voiture en semaine et à privilégier des formes de mobilité actives (à pied ou en vélo…) autour de leur quartier.

 
En revanche, dans les zones périurbaines moins bien desservies par les transports, la probabilité de recourir à la voiture augmente. De plus, quand le télétravail s’effectue à temps partiel, certains salariés font le choix de s’éloigner de leur lieu de travail pour gagner en confort de vie. Certains déménagent pour s’installer à la campagne. Au final, leurs trajets domicile-travail sont moins fréquents, mais plus longs.

 
En bref, les effets rebonds du télétravail sont nombreux (nouvelles mobilités et éventuels déménagements) et ils sont difficiles à mesurer. S’y ajoute aussi l’impact de l’organisation du travail à distance, avec la réorganisation des bureaux et le recours aux visioconférences.

 

 

Le boom des visioconférences

Le boom des visioconférences pendant le confinement a bouleversé notre façon de travailler. Ce phénomène, apparu avec l’épidémie de Covid-19, devrait même perdurer dans les années à venir.

 
Or, les vidéoconférences ne sont pas neutre pour l’environnement : elles consomment de l’énergie, via le transfert de données, la sollicitation des serveurs et le fonctionnement de nos appareils.

 
On estime que la consommation d’énergie est multipliée par trois lorsque la visioconférence se fait avec partage de vidéo. La société Greenspector, qui aide les entreprises à réduire l’impact carbone de leurs logiciels, estime à 1g eqCO2 le coût environnemental d'une minute de visioconférence. L’Ademe évalue l’impact des visio-conférences à 2,6 kg eqCO2 par an et par jour de télétravail.

 
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui a prévu de nouvelles études l’an prochain, doit encore évaluer l’impact du suréquipement des foyers lié au télétravail.

 
En effet, quand un salarié travaille à domicile, il doit généralement investir dans une chaise de bureau ou un écran supplémentaire pour plus de confort. Or, toujours selon l’Ademe, 45% des gaz à effet de serre générés par nos activités numériques sont liés à la fabrication de nos équipements informatiques.

 

 

Un bilan globalement positif

Bien sûr, parmi les effets rebonds défavorables du télétravail, il faudrait aussi tenir compte de la hausse des consommations énergétiques en chauffage et en électricité au domicile du télétravailleur.

 
Mais cet impact négatif est compensé par la réorganisation des espaces de travail que permet cette organisation, en particulier le flex office ou "bureau à la demande".

 
Dans ce système, le salarié n’a plus de bureau attitré mais s’installe chaque matin là où il y a de la place. Cela permet d’optimiser les surfaces de bureau et peut conduire les entreprises à diminuer la taille de leurs locaux et les consommations énergétiques associées.

 
À long terme, le télétravail pourrait donc avoir un effet positif très significatif. Sur les vingt-six organisations interrogées par l’Ademe dans son enquête de septembre, 27% étaient déjà passés en flex office et 39% disaient y réfléchir.

 
En conclusion, l’ensemble des effets rebonds négatifs identifiés par l’Ademe pourraient réduire de 31% en moyenne les bénéfices environnementaux du télétravail. Mais si l’on fait la somme des effets positifs (la mobilité et le flex office), la balance environnementale du télétravail reste largement positive.

 
En 2021, l’Ademe va analyser plus précisément ces effets rebonds négatifs. En attendant, elle émet déjà quelques recommandations pour les limiter, en particulier celle de n’organiser des visioconférences que lorsqu’elles sont nécessaires. Quand deux personnes seulement doivent se joindre, un simple coup de fil suffit.

 

 

https://www.globalcarbonproject.org/

Auteur :   |   Date de création :   |    Dernière mise à jour : 14/12/2020